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Le Grun de Chignore vu de la " Pierre de l'Homme "

 

 

 

Restes de murs en pierres sèches

 

 

 

Tas de pierres ordonnées

 

 

 

Fondation de la première enceinte

 

 

 

 

Le mur en pierres sèches de la deuxième enceinte

Le Grun de Chignore

Localisation

Le Grun de Chignore est une montagne granitique de la région thiernoise surplombant Vollore-Ville. Des fouilles effectuées au sommet àla fin du 19ème siècle ont montré que ce site fut occupé durant l'âge des métaux, l'époque gallo-romaine et le Moyen Age.

Carte IGN 2731O - Noirétable. Altitude : 1074 m

Circonstances de la découverte

Le site fut mis en évidence par un érudit niçois àla fin du 19ème siècle, le docteur Félix Planat. Les résultats de ses recherches furent publiés en 1874 dans " Note archéologique sur le Grun de Chiniore ", rapport inconnu et introuvable aujourd'hui. Seul le livre de l'abbé Guélon " Vollore et ses environs " publié en 1890 nous relate ces faits : cliquer pour lire l'extrait.

Le site au début du 21ème siècle

Aujourd'hui, on peut encore observer des restes de murs en pierres sèches dans toute la zone décrite et fouillée par Félix Planat. Cliquer pour voir le plan du site.

Le site archéologique se situe sur le sommet du Grun àune altitude de 1074 mètres. La zone la plus marquée est une motte d'une vingtaine de mètres de long sur environ 15 mètres de large pour cinq mètres de haut, orientée au Nord du site avec vue sur le Nord Ouest de la région (Limagne, Vollore, St Agathe, Montguerlhe, Celles…). Actuellement, une croix (Calvaire) y est plantée depuis 1902. C'est sur cette motte que les principales découvertes ont été faites. En périphérie immédiate de la motte, sur le tertre (merlon de terre et de granite), on peut observer de nombreuses pierres de constructions de petites et moyennes tailles : il s'agit des restes de murs en pierres sèches écroulés qui devaient former la première enceinte de l'édifice. Ces pierres de tailles similaires se remarquent parfaitement au milieu du chaos granitique naturel composé de pierres et de blocs de toutes tailles. Toujours en bordure de la motte, àl'Est, dans une cavité creusée récemment, on peut observer les fondations de ce mur primitif encore conservé sur un bon mètre de longueur. La topographie de la motte semble indiquer l'entrée au Sud.

Le bas de la motte est entouré d'un anneau au relief assez plat, faisant penser àun fossé circulaire comblé. Il est aujourd'hui quasiment sans pierre et envahi par les myrtilles.

A l'Ouest et au Sud-Est, les restes de deux murs en pierres sèches sont visibles à 10-20 mètres du bas de la motte (fossé). Leur implantation et leur forme montrent qu'ils encerclent la butte centrale. Il s'agit vraisemblablement des restes d'une deuxième enceinte circulaire.

Ces deux restes de murs qui appartiennent àla même enceinte circulaire se situent dans une zone plate et orientée Sud : vraisemblablement une zone ayant servi d'habitat.

On remarque aussi un peu plus loin, àune centaine de mètres de la motte au Sud, les restes d'un mur en pierres sèches constitué de gros blocs. Ce mur longeant la pente semble être un mur de soutènement inférieur d'un chemin.

La motte avec la croix

 

Bas de la motte (pierres de construction) et fossé

On observe aussi en contrebas de ce présumé mur de soutènement des tas de pierres assemblées en édifice circulaire de 3 à4 mètres de diamètre et de 2 mètres de haut. Cette zone est identifiée comme une zone de culture, les tas de pierres assemblées étant vraisemblablement le fruit du travail des paysans de toutes époques pour obtenir le maximum de surface de culture : ces tas de pierres sont appelés localement " perralliés ".

L'ensemble du site apparaît comme les restes d'une fortification primitive : motte, fossé, enceintes circulaires en pierres sèches… Sommes-nous en présence d'une motte féodale de l'an mille, d'une curtis ou d'une garde du haut Moyen Age, d'un fort gallo-romain, d'une enceinte gauloise ou protohistorique… ? Les objets découverts par le docteur Félix Planat montrent que ce site a été occupé à toutes ces époques.

Le mur de soutènement en pierres sèches du chemin

 


Raté de cuisson

 

Morceau de tuile

 

Morceaux de poterie du Moyen Age

 

Verrerie, aiguisoir, perle et dent d'ours

Les objets découverts

Les fouilles réalisées par Félix Planat furent fructueuses, on parle de plus de 1000 objets découverts au Grun de Chignore. Leurs origines sont en majorité du Moyen Age (vers l'an mille) mais des objets ont été identifiés comme gallo-romain, d'autres comme gaulois (âge du fer). On peut même penser que les divers bijoux en bronze remontent à la protohistoire (âge du bronze).

On suppose que la majorité de ce trésor a été transférée dans un musée de Nice àla fin du 19ème siècle, ville où résidait ce médecin. Néanmoins Félix Planat signale dans la lettre à l'Abbé Guélon que des objets ont été également donnés au musée de Clermont Ferrand, notamment un bracelet d'enfant en bronze, une agrafe et une bossette de mors de cheval également en bronze.

Nos recherches se sont donc orientées vers le musée d'archéologie Bargoin de Clermont-Ferrand pour savoir s'il possédait quelques objets provenant du Grun de Chignore. Un inventaire de 1957 mentionne la rentrée d'objets archéologiques provenant du Grun de Chignore en 1879. Cette série a pour référence 57-187- 1 à47 et a été retrouvée dans les collections du musée.

La collection 57-187 entrée au musée Bargoin en 1879


La collection est composée de 47 objets, en grande majorité des tessons de terre cuite.

Les objets les plus remarquables sont les suivants :

- Un raté de cuisson composé de tuiles compactées entre elles sur 3 couches. Ce raté de cuisson indique probablement la présence d'un four de cuisson au Grun de Chignore. Datation incertaine.

- Un grand fragment de tuile de type " romane " avec une proéminence en son centre servant vraisemblablement d'accroche àun chevron de charpente. Moyen Age.

- Des tessons de poteries présentant des décorations caractéristiques du milieu du Moyen Age. On notera également la présence d'un morceau de goulot. Ces fragments sont les plus nombreux de la collection. Quelques morceaux plus fins et plus foncés peuvent être attribués à l'époque gallo-romaine.

- Des fragments de verrerie bleutée, un aiguisoir ou polissoir présentant des traces de frottement et de coupure, un morceau de perle bleue et une dent de grand carnivore, probablement une dent d'ours. Datation incertaine (antérieure à la fin du Moyen Age).

On regrettera l'absence, dans la collection 57-187, du bracelet d'enfant en bronze, de l'agrafe et de la bossette de mors de cheval également en bronze dont fait mention Felix Planat. Ces objets ont été dispersés dans d'autres collections et ils étaient vraisemblablement plus anciens (âge de fer et/ou âge de bronze). Les 47 objets du musée Bargoin mettent en évidence une occupation humaine du site de l'époque gallo-romaine jusqu'au milieu du Moyen Age.

Il existe également deux autres objets trouvés, il y a une centaine d'année lors de travaux des champs, à proximité de l'ancien village d'Aiguebonne (traversé par la voie romaine) appartenant àdes particuliers : une pointe de lance et un bracelet, tous deux en bronze.

Le bracelet est en excellent état et de couleur un peu verdâtre (oxyde de cuivre). Il paraît massif, de fort diamètre, vraisemblablement un bijou masculin. Il est lourd et ouvert de 2 à 3 mm. Dessus figurent des motifs géométriques très simples sur trois de ses côtés : traits rectilignes. Ce bracelet est creux.

La pointe de lance en bronze est aussi en excellent état. Elle est creuse, galbée et effilée. Sa pointe est légèrement écrasée. De même, la zone de manchonnage sur la lance en bois est cassée. Ce dernier détail étant vraisemblablement la cause de son abandon.

Ces deux objets trouvés sur le même lieu donnent visuellement une impression de grande cohérence et semblent provenir de la même époque. En effet, ces deux objets peuvent être datés, àun siècle près, de la charnière entre la fin du Bronze Final et le début de l'Age du Fer (Hallstat), soit entre -700 et -800 avant JC. Ils sont vraisemblablement les objets métalliques connus les plus vieux de la région thiernoise. Ils sont antérieurs àl'époque celtique qui donna la civilisation gauloise.


La pointe de lance en bronze

 


Le bracelet en bronze

Conclusion

Le Grun de Chignore, montagne emblématique de la région thiernoise, est sans aucun doute un haut lieu de l'histoire locale. Aujourd'hui ce lieu est surtout apprécié par les touristes et les promeneurs pour la beauté de ses paysages, l'originalité de ses immenses chaos granitiques, et la diversité de sa faune et de sa flore.

Mais en dessous de cette richesse géologique et biologique sont enfouis depuis des temps reculés les restes d'une occupation humaine. Un érudit de la fin du 19ème siècle y a trouvé de nombreux objets d'un grand intérêt archéologique et historique. Malheureusement, ce site est aujourd'hui complètement délaissé par les historiens et les archéologues. Peut-être est-il simplement tombé dans l'oubli…

La redécouverte de ces objets permet de lever bon nombre d'interrogations sur les origines du peuplement de la montagne thiernoise. En effet, s'il est certain, vu la proximité immédiate de la voie romaine à Chignore, que ce site a servi de point d'observation et d'habitat (peut-être sommaire et ponctuel) à l'époque gallo-romaine, la découverte du bracelet et de la lance en bronze plaide en faveur d'une occupation dès le Bronze Final (-800 à-700 avant JC).

La cinquantaine d'objets trouvés au 19ème siècle qui nous est parvenue met en évidence une occupation continue du site, peut-être dès la préhistoire (Néolithique ?), en tout cas de façon certaine à l'âge des métaux, à l'époque gallo-romaine et ce jusqu'au milieu du Moyen Age.

Ce lieu, où les conditions climatiques dues àl'altitude sont rudes, a vraisemblablement attiré les hommes de différentes époques pour des raisons stratégiques : une vue imprenable sur les premiers contreforts du Forez, ainsi que sur la grande et fertile plaine de Limagne. Que dire de son relief naturel propice à la défense… Le Grun de Chignore est situé sur une frontière naturelle qu'il fallait surveiller.

Espérons désormais que les centaines d'objets archéologiques découverts il y a plus d'un siècle par Félix Planat soient retrouvés dans d'autres musées nationaux (Nice ?) et que ce lieu puisse être étudié sérieusement afin d'en élucider ses mystères.


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