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Histoire
et légendes des Millières
Les Millières (ou
la Millière) est un éperon rocheux qui se situe proche de la ville haute de
Thiers au dessus de la rivière Durolle (vallée des usines). Ce secteur
sauvage et escarpé est positionné en dessous
du "rocher des Margerides" sur les premiers contreforts du Forez. Ce lieu
suscite bien des intérogations sur deux anciennes légendes :
- la présence d'un ancien
château féodal mentionné dans une chanson populaire,
- la découverte
fortuite d'un
trou sans fond à la fin du XIXème
siècle.

La zone
des Millières se situe au Nord-Est de la ville de Thiers dans les Margerides
La
légende du gouffre des Millières
(Histoire relatée
par Alexandre Biagay en 1960 – Sur les bords de la Durolle)
Entre 1883 et
1885, sur le lieu-dit des Millières, un homme qui travaillait
dans son jardin potager (qui étaient nombreux à cette époque) a vu le sol se
dérober sous sa bêche. Il lança des pelletés de terre qui disparurent dans
le trou. Il enfonça le manche de son outil sans en toucher le fond. Le
lendemain avec l’aide d’autres personnes, ils y enfoncèrent plusieurs lattes
attachées ensemble sans en atteindre le fond. La légende du gouffre des
Millières était née ! Par la suite, beaucoup de thiernois vinrent tester
ce trou sans fond en y jetant des pierres sans que l’on n’entende le moindre
bruit de leur chute... Personne ne tenta d’y pénétrer et, jugé dangereux, le
trou fut recouvert d’une pierre sur laquelle on étala de la terre. Et le
gouffre tomba dans l’oubli… Les dernières recherches ont mis en évidence
qu'une mine de plomb a été exploitée dans le secteur du "Bout du Monde" vers
1730. Le gouffre des Millières est en fait le puits d'aérage d'une ancienne
mine...

La zone des Millières se situe dans les gorges de la Durolle
Le château des Millières
Le château des Millières apparait dans une chanson populaire ou
complainte vraisemblablement écrite dans la seconde moitié du XIXème siècle
(voir ci-dessous). Cette fable parle d’un méchant seigneur nommé Griffard
vivant dans un donjon escarpé aux Millières. Un jour, il enlève une jeune et
belle bergère dont il abuse et qu’il finit par tuer ainsi que son enfant. Un
vengeur mystérieux finit par mettre le feu au château en représailles.
Si l’histoire peut nous sembler romanesque et naïve, elle repose
néanmoins sur une part de vérité, à savoir la présence de constructions
anciennes mises en évidence par des fouilles vers 1885-1887. Le cadastre de
1836 mentionne un secteur nommé « ancien château du Grün Margeride ». La
littérature de la seconde moitié du XIXème siècle indique qu’une partie des
érudits et notables locaux ne croyaient pas en l’existence de ce château
dans les Margerides. Aves le temps, l’information s’est perdue et la nature
ayant reprit ses droits dans ce coin de Thiers, le site des Millières est
retombé dans l’oubli. Depuis 2021-2022, de nouvelles études de terrain
ont mis en évidence la présence d’un site fortifié ancien. Des sondages
archéologiques ont été réalisés par l’Université de Lyon en
2023 et 2024 et ont confirmé la présence d’une forteresse de la fin de l’antiquité
et de l’époque mérovingienne (V à VIIème siècle). Les Millières abrite
vraisemblablement le « Castrum Thigernum » conté par Grégoire de Tours dans
le dernier tiers du VIème siècle… Pour en savoir plus, vous pouvez lire
l’article du BUCEMA :
Le
castrum Thigernum retrouvé ? Nouvelles recherches sur les origines de Thiers
(Puy-de-Dôme).

Panorama des Margerides : en premier
plan la chapelle Saint Roch, en arrière plan le site des Millières au pied
du rocher de Margeride
La légende de Margeride (mythe du château
des Millières)
Ce texte est extrait de
la brochure du Pays Thiernois et son Histoire n°2 (1984) et est issu de la
transmission orale (c’est une chanson). Vu le style et l’histoire, ce
dernier devrait dater de la deuxième moitié du XIXème siècle. L’histoire
racontée ci-dessous colle parfaitement avec cette époque romantique qui a «
inventé » un faux moyen-âge encore aujourd’hui bien présent dans
l’imaginaire populaire : château inaccessible et mystérieux, seigneur cruel
et sans moral, bergère belle et naïve… L’histoire ressemble beaucoup à celle
du roman « la nuit de la Toussaint » d’Eugène Marchand publié en 1862 qui se
déroule à Montguerlhe. La date figurant en première ligne indique également
que son auteur n’a aucune notion de chronologie historique, les châteaux
forts étant, au milieu du XVIIIème siècle, obsolètes depuis plus de trois
siècles.
C'était en l'an 1740
Ah ! Mes enfants rendons grâce à Dieu
Disait la mère, une vieille tremblante
Un soir d'hiver assise au coin du feu.
Ah ! Mes enfants, écoutez cette histoire
Dont le récit vous met les larmes aux
yeux,
Hier encore en parlaient nos aïeux.
C'est d'un
Seigneur et d'une pastourelle
Ah ! Mes enfants rendons en grâce à Dieu
(bis)
Rendons aussi hommage à nos aïeux (bis).
Mais laissons là cette vieille épopée
Disait la vieille en se chauffant les doigts.
Dans ce pays il était une fée
Qui avait construit un donjon autrefois
Dans un ravin au flanc de Margeride
Où la Durolle coule à flots abondants.
Il s’élevait sur un point culminant
Un vieux donjon comme une pyramide.
Dans
ce château, effroi des malheureux (bis)
Un paladin passait des jours heureux
(bis).
Un jour chassant le loup dans la montagne,
Il perçut une enfant de seize ans.
Elle était belle et avait pour compagnes
Sa chèvre blanche et ses beaux moutons
blancs.
« Viens » lui dit-il « ma douce pastourelle,
Viens partager mon amour et mon or,
Tu seras riche », elle répondit non :
« Je préfère mon pré qu'une tourelle,
Je suis heureuse au hameau de Pont-Haut
(bis),
Ah ! Laissez-moi garder mon blanc troupeau
(bis) ».
Ce que je dis, il faut que l'on
m'écoute.
Sachez, la belle, qu'il vous faut obéir !
« Vous obéir », répond l'enfant
craintive,
« Mais de quel droit voulez-vous me ravir
A mon foyer où mon père et ma mère
S'ils me perdaient quelle serait leur
douleur.
Nous vous payons la dîme, mon Seigneur.
Ah !
Laissez-moi vivre dans ma chaumière,
Gardez votre or et laissez-moi l'honneur
(bis)
Portez plus haut votre amour mon Seigneur
(bis) ».
Il faut, dit-il, être à moi ou la tombe ».
« La mort, dit-elle, mais ne m'outragez pas ».
Comme un vautour emporte une colombe,
Il emporta la belle dans ses bras
Dans son château ce paladin vorace.
Après quelques temps de s'en être amusé
(bis)
Par ses valets il la fit courtiser (bis)
Comme un jouet dont un enfant se lasse.
Enfants, plaignez la douce pastourelle.
De cet outrage elle fut mère un jour
D'un chérubin aux doux yeux bleus comme
elle
Quelle chérissait captive dans sa tour.
Dans un tronc creux d'un chêne solitaire
A ces bourreaux tout leur était permis,
Ont mis l'enfant en pâture aux fourmis.
Dans la Durolle ils ont noyé la mère.
Elle périt engloutie par les flots.
Elle finit là ses peines et ses
sanglots.
Mais quelques temps après ce crime
horrible
II se trouva un vengeur inconnu.
Pendant la nuit un incendie terrible
Vint éclater sous le toit du maudit.
Il brula tant qu'il en tomba en ruines
Et les lueurs éclairèrent la nuit
On ne vit plus ce paladin maudit,
Ses os brulèrent dans la sombre colline.
Ainsi finit ce Seigneur odieux (bis)
Qui a rendu le monde malheureux (bis).
Le Seigneur se nommait GRIFFARD
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